Surveillance du "risque d'opinion" sur Internet par le gouvernement
Surveillance du "risque d'opinion" sur Internet par le gouvernement
Article du site LES MOTS ONT UN SENS
si vous ne le connaissez pas encore allez y faire un tour
9 novembre 2008, par Napakatbra
Le gouvernement veille sur ses ministres et surveille l'opinion. Après l'appel d'offre du SIG, c'est maintenant le Ministère de l'Education qui piste sur Internet tout ce qui pourrait constituer un "risque opinion". Objectif : détecter les "lanceurs d'alerte", anticiper les effets de "contagion", et limiter les crises "dans lesquelles les ministères se trouveraient impliqués".
Le Ministère de l'Education Nationale de Xavier Darcos vient de publier un appel d'offre commun avec le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche de Valérie Pécresse, d'une valeur totale de 220 000 euros. L'objectif affiché est l'identification des sources d'information et des lieux de débats, sur Internet, qui peuvent constituer un "risque opinion" et provoquer des crises impliquant les ministères. "Clé de voûte" du dispositif, le passage en "mode alerte" qui permettra aux autorités de localiser les sources de troubles et d'identifier les crises potentielles avant même qu'elles surgissent. C'est le deuxième appel d'offre révélé en dix jours. Le premier émanait du Service d'Information du Gouvernement (SIG) qui souhaite surveiller tout ce qui se dit et s'écrit au sujet du gouvernement sur les sites en ligne.
Risque d'opinion et anticipation des crises
Les médias concernés sont les blogs, les sites des syndicats ou des partis politiques, les sites militants d'associations et les leaders d'opinions, les lanceurs d'alerte. En bref, les "sources stratégiques ou structurant l'opinion". Les médias traditionnels sont aussi concernés, mais l'appel d'offre se contente de les évoquer globalement, sans autre détail, comme s'ils constituaient un seul et unique bloc, comme s'ils ne constituaient pas un "risque" particulier. L'effet "Grenelle de l'Information", peut-être ?
Dans le but d'"anticiper et évaluer les risques de contagion et de crise", le prestataire devra aussi utiliser toutes les informations "qui préfigurent un débat, un «risque opinion» potentiel, une crise ou tout temps fort à venir dans lesquels les ministères se trouveraient impliqués". Avec un égard particulier pour les "vidéos, pétitions en ligne, appels à démission, [qui] doivent être suivis avec une attention particulière et signalées en temps réel"...
En résumé, il s'agit de pister les embryons de débats qui constituent un "risque opinion", avec pour objectif de limiter les répercutions politiques négatives. Et au final, "aider le ministère à calculer le retour sur investissement pour cette opération". Bien entendu, il ne s'agit en rien d'une opération politique. Promis, juré, crashé ! Simplement un nouvel outil pour améliorer l'Education, optimiser les réformes, et ainsi compenser les salaires exorbitants alloués à ces Bac+5 qui passent leur temps à surveiller les siestes des enfants ou leur changer les couches.
Une idée pour faire économiser 220 000 euros au gouvernement : s'abonner à la niouses letteur quotidienne des "Mots Ont Un Sens" (en haut à gauche)...
(pièce jointe : le cahier des clauses particulières complet, aussi appelé CCP, lié à cet appel d'offre)
Commentaires personnels :
Ils veulent surveiller le net, très bien ... ne leur facilitons pas la tâche, surtout ne nous censurons pas et ne devenons pas parano, continuons à faire circuler l'information, il faudrait qu'ils croulent sous les informations et aient du mal à trier :)
On pourrait peut-être publier largement les noms des sociétés qui s'engraissent sur ce juteux marché en expansion du contrôle des citoyens et du sécuritaire. Au cas où, dans le monde des hackers, certains auraient la fibre citoyenne, etdécideraient de conjuguer challenge et, souci de l'intérêt général et de la démocratie, en prenant l'initiative de pénétrer leur système informatique et foutre le bordel dans leurs fichiers :)
Nous ne sommes pas, quoique pense la majorité, dans une démocratie, mais depuis un bon moment, nous avons cessé de progresser sur le chemin de la démocratie, pour reprendre à grand pas le chemin obscurantiste du totalitarisme. La démocratie est un idéal qui n'a été atteint à ce jour nulle part dans le monde. Mais d'une part, parce que nous croyons ou avons voulu croire, être en démocratie, nous avons cessé la réflexion collective sur celle-ci et les moyens de faire progresser notre société vers elle. D'autre part, les changements dans la direction du totalitarisme se sont fait progressivement dans le temps, et peu en pris conscience ... le texte d'Olivier Clerc Sommes-nous déjà à moitié cuits ? décrit bien ce processus.
Dans une démocratie le peuple ne saurait être considéré comme un ennemi que l'on surveille et espionne parce qu'on en a peur, peur de ne plus arriver à le contrôler. Dans une démocratie on ne cherche pas à le contrôler, car il est censé être souverain.
Il va falloir redonner un sens aux mots, et arrêter la méthode Coué (et Cauet pour ceux/celles qui la regardent ... lol), arrêter de répéter que nous sommes en démocratie, alors que tout ce qui se passe depuis 20 ans démontre que le peu de démocratie gagné par le passé, sont systématiquement détruits et que nous sommes déjà depuis dans une société d'asservissement et que nous n'avons plus aucun moyen politique et juridique de peser sur les orientations de notre société. Je l'avais déjà mis il y a un moment le regard portés sur le peuple par les castes dirigeantes du passé, parce que le mépris et le discours sont les mêmes actuellement et tenus avec la même arrogance Les vrais tenants de l'archaïsme ... retour vers le passé !
Il faut réouvrir la réflexion sur la démocratie pour nous en réapproprier l'idéal, et celle sur les droits humains pour en comprendre l'esprit, qui a présidé à la rédaction des déclarations des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 1793, et en réaction à quoi elles ont été élaborées.
Signalé par Panier de Crabes Vers où va l'Europe ? (vidéo) ... réponse : malheureusement dans le même sens, il ne faut pas compter sur elle, excepté pour nous enfoncer dans le totalitarisme !
Et sur le site du LEAP/Europe 2020 datant de l'élection présidentielle française, un article également sur ce retour à l'archaisme en Europe.
par Franck Biancheri - 02/05/2007
Nous Européens avons été au XX° siècle, d’Est en Ouest de notre continent, les acteurs de terribles tragédies historiques commises au nom de la modernité alors qu’elles n’étaient en fait que l’expression contemporaine de l’archaïsme le plus ancestral.
Répression, brutalité, mensonge, manipulation, extermination, conflit, division, terreur, arbitraire, ... se sont habillés des plus beaux atours, d’abord camouflées sous des termes en apparence anodins ou positifs comme sécurité, modernisation, sincérité, vérité, protection, progrès, libération, identité, efficacité, ... jusqu’à ce que leur vraie nature se révèle : cet étrange mélange de folies individuelles et collective.
Hitler, Staline, Franco, Pétain, Mussolini, et quelques autres en ont été les figures de proue, tandis que les peuples s’embarquaient divisés, avec ferveur ou au contraire avec effroi, dans l’aventure que la folie de ces chefs avait programmée.
Cet archaïsme ressurgit partout actuellement en Europe, et la France est loin de faire exception. Comme l’avait écrit en 1998 Europe 2020 dans son fameux scénario intitulé « UE 2009 : quand les petits-fils d’Hitler, Franco, Pétain, Mussolini et Staline prendront le pouvoir », plus nous nous éloignons de 1945, plus les archaïsmes qui avaient dominé la période précédente reprennent du « poil de la bête ». Et ne nous y trompons pas : quand l’époque est mûre, l’apparence de l’archaïsme le plus dangereux est toujours celle de la modernité la plus contemporaine. Ne cherchez donc pas les hommes en uniforme friands de défilés militaires (ils viendront plus tard), mais surveillez bien les discours gestionnaires ronflant d’efficacité, les « valeurs » portées en bandoulière, le recours à la « science » pour légitimer les convictions morales, les rengaines d’histoires à faire peur à l’ « honnête citoyen », et les prétentions à protéger tout le monde de tous les dangers.
Ces « archaïques » en costume moderne ne sont certes pas toujours faciles à débusquer car ils sont toujours le fruit d’une époque où ces thèmes font florès. Mais si l’on ouvre bien les yeux, on les identifie rapidement car ils sont toujours à la manoeuvre dans la même direction : diviser, contraindre, empêcher, effrayer, ... . Faisons ainsi un petit tour des formes que peut prendre cet archaïsme européen en pleine résurrection.
L’archaïsme, c’est notamment quand la figure du chef, sa volonté, sa folie éclipsent l’esprit, l’aptitude à réfléchir, le sens du discernement du citoyen qui éteint ses inquiétudes et se persuade que le « chef » ne mettra en oeuvre de son programme annoncé que ce qui est « bien » et qu’il laissera tomber ce qui est « mal », que « ces éléments négatifs ne sont ajoutés au discours que pour permettre au chef la conquête du pouvoir, pour qu’il séduise les autres, ces incultes et ces idiots dont il a besoin pour obtenir sa majorité ». C’est ce que pense le citoyen « raisonnable » qu’emporte l’émotionnel et la quête du chef, convaincu qu’il est que l’inculte, le myope, l’idiot, le manipulé, c’est forcément l’Autre…
L’archaïsme, pour un leader, c’est aussi confondre le passé et l’avenir, croire que les rêves d’hier sont les vérités d’aujourd’hui ou de demain, recourir à des concepts et des valeurs qui sont déjà en train de sombrer dans l’Histoire, se soumettre à des pouvoirs déjà éteints, transformer la poursuite de ses rêves d’adolescents en une vaste quête collective, et penser que sa propre imagination limitée est en mesure à elle seule de refléter les aspirations d’une société complexe.
L’archaïsme, pour un citoyen, c’est aussi l’absence d’analyse du discours, c’est laisser son cerveau reptilien l’emporter sur son cortex, c’est refuser de voir les incohérences, c’est accepter que blanc soit noir, c’est abandonner la recherche des causes et des conséquences, c’est croire au miracle sans se poser la question de la foi, et c’est croire que puisque le chef a besoin de toujours plus de pouvoir pour réussir, il faut bien abdiquer de sa propre capacité à demander des comptes.
« Poland has two egomaniacs. Aren’t we lucky ? Will France have one ? Alice’s adventures are a bit more relevant though than Napoleon’s exploits » Cartoon by Jan Darasz
L’archaïsme, pour un corps social, c’est quand ses élites intellectuelles et politiques abdiquent leur responsabilité d’ « éclaireur » de la collectivité et la transforment en une quête de préservation de leurs propres privilèges, quitte à faire oublier tous les signaux qui devraient leur faire prendre un autre chemin pour leur peuple. C’est quand la figure du « petit chef », du « caporal » s’impose peu à peu pour remplacer celle du pédagogue, « petit chef » qui perçoit tout sous la forme de rapports de forces et qui vit dans un monde à deux dimensions, le « haut et le bas », nul horizon, nulle transversalité dans sa conception de la vie ou de la société : il commande à ses « inférieurs » et il prend ses ordres de ses « supérieurs » ; il n’a pas vraiment d’égaux ; il n’a que des compétiteurs ; en fait il est tout le temps « sous pression » et projette son angoisse dans la fermeté de son encadrement ou la brutalité de la mise en oeuvre de son action.
L’archaïsme, pour des élites gestionnaires, c’est se persuader que gérer un pays c’est comme gérer une entreprise. C’est ignorer l’aspect multidimensionnel d’une société contemporaine préférant la résumer à la logique unidimensionnelle de la croissance du profit. Et avec cette simplification abusive, ces élites gestionnaires imaginent le « pire » en pensant à la faillite d’une grande entreprise, alors que c’est le type d’évènement que l’Histoire ne retient même pas. C’est la faillite simultanée de mille sociétés de grande taille qui peut s’approcher de ce que « pire » signifie en politique : la division d’un pays, son éclatement politique et social, voilà de quoi se nourrit l’Histoire, voilà ce qui fait des morts par milliers ou par millions et qui demande des décennies pour être réparé (quand cela est seulement possible). Le « manager » a autant de compréhension de l’Histoire qu’un lieutenant sur un champ de bataille ; et c’est cette incapacité à comprendre la complexité d’un pays et de sa gestion qui rend possible la fascination des élites gestionnaires modernes pour l’archaïsme politique qui lui aussi vit dans un monde unidimensionnel (sauf que dans son cas, c’est un signe pathologique grave).
L’archaïsme, pour des journalistes, c’est penser le contraire de ce qu’ils écrivent ou disent. C’est en privé de voir, de savoir, et en public de ne rien dire. C’est de se croire encore Beaumarchais, et d’être déjà devenu pigiste à la Pravda.
In fine, l’archaïsme, pour un pouvoir, c’est prétendre créer un monde neuf, fait d’hommes nouveaux, « lustrés » du passé à bannir car non conforme aux vues du pouvoir actuel. C’est penser l’avenir en rupture avec le passé alors que l’Histoire, c’est le passé plus le présent plus l’avenir : l’Histoire est une addition, pas une soustraction.
Pour conclure cette réflexion sur l’archaïsme politique aujourd’hui en Europe et en France, voici deux remarques en guise d’avertissement pour tous les Européens qui vont avoir à voter dans les années à venir :
. selon la conviction profonde des « archaïques » politiques, les principes sont uniquement fait pour les imbéciles ; par conséquent, plus les principes sont affichés dans le discours plus ils seront ignorés dans la pratique.
. comme Humpty-Dumpty dans Alice au Pays des Merveilles, l’archaïque politique fait dire aux mots ce qu’il veut : la victime c’est le chef ; le danger c’est le faible ; la simplification c’est la complexité ; l’homogénéité c’est la diversité ; la vérité c’est le mensonge ; l’avenir c’est le passé . Mais il n’est pas de l’autre côté du miroir. Il est bien en Europe hier, aujourd’hui et demain.