Liberté de la presse : jugé pour avoir vendu l'Humanité-Dimanche dans la rue !
Ce n'est pas une blague. Lounis Ibadioune, a été verbalisé dans le quartier populaire de la Goutte d'Or dans le 18ème à Paris pour « vente de marchandises dans un lieu public sans autorisation » (sans blague) en 2007, un peu avant les présidentielles et va passer au tribunal mercredi 18 février prochain.
Pour les informations et la pétition de soutien, voir les articles de l'Humanité ci-dessous :
Je mets 3 réactions (que j'ai choisies bien sûr) parce que ce qui peut sembler n'être qu'un fait divers, est malheureusement révélateur de ce qui est en oeuvre dans notre pays.
Étrange pays
Serge Halimi, directeur du Monde diplomatique
( En raison de son livre "Les nouveaux chiens de guerre" sur le journalisme que j'ai lu il y a quelques années voir ci-dessous et que je ne doute pas de la sincérité de sa réaction)
Étrange pays que celui qui pourchasse les diffuseurs bénévoles de journaux d’information politique et qui, simultanément, encourage les colporteurs de presse « gratuite » préachetée par les publicitaires. Le chef de l’État nomme et révoque le patron de l’audiovisuel public, il choisit les journalistes qui l’interrogent, il dispense ses faveurs financières aux chaînes privées qui le servent. Et cela ne suffit pas ? S’accommoder aujourd’hui des poursuites engagées contre Lounis Ibadioune reviendrait à tolérer que dans un pays où les industriels peuvent acheter la presse, des militants n’aient plus le droit de la vendre.
Louis Cardin, militant PCF et syndicaliste (Villeurbanne)
(parce que ça réveille chez des anciens de mauvais souvenirs)
Je me souviens il y a 50 ans, en 1958 je diffusais dans le quartier de St Germain des Prés tous les dimanches et j'étais sous la protection des habitants et des commerçants du quartier face aux fascistes qui nous agressaient régulièrement en sortant de l'église ( Action française ) et préparaient le coup d'Etat de De Gaulle Nous avons toujours tenu bon. Mon père aussi après la guerre était CDH avec Marcel Cachin Courage Lounis nous sommes des milliers de diffuseurs et de militants à soutenir ta détermination Louis
On saccage l’esprit de ce peuple
Michel Fugain, artiste
(là c'est personnel, mais parce qu'on sent que ça a été écrit sous le coup de la colère, et de sentir une colère similaire à la mienne exprimée par d'autres me fait du bien et apaise la mienne)
Si l’histoire de Lounis n’était pas bête à pleurer, on pourrait en rire. Sauf qu’Il n’y a pas de quoi se marrer devant la société qu’on est en train de nous concocter. De la médiocrité rampante qui s’installe ne sortira que le pire : la régression. Économique, politique, spirituelle, et fatalement, celle des idées. Est-ce une mesure anti- « HD » ou une manifestation de plus du racisme primaire ambiant ? Si ce n’est que la vente sur le trottoir, alors quelques milliers de vieux militants qui se sont battus toute leur existence pour leur dignité et une vie meilleure doivent se dresser dans leurs tombes, le point levé. La démocratie n’a jamais existé en France et il faudra encore bien des combats pour approcher une solution qui pourrait y ressembler. Aujourd’hui, elle va jusqu’à verbaliser le vendeur d’un journal susceptible de combattre son manque d’idée et sa politique besogneuse. Minable ! Au fait, j’ai moi aussi vendu « l’Humanité Dimanche » quand j’étais petit. Je veux être jugé ! Jugez-moi ! Quant au président, « qu’il dise à ses gendarmes que je serai sans armes et qu’ils pourront tirer »… Ben, pourquoi pas ? Faut s’attendre à tout par les temps qui courent.
Les nouveaux chiens de garde
Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique, mais aussi un des collaborateurs du Plan B
Editeur LIBER - RAISONS D'AGIR
1ère édition nov 1997, 110 p.
actualisée et augmentée en nov 2005, 160 p.
Note de l'éditeur (dos de couverture) :
Les médias français se proclament " contre-pouvoir". Mais la presse écrite et audiovisuelle est dominée par un journalisme de révérence, par des groupes industriels et financiers, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence. Alors, dans un périmètre idéologique minuscule, se multiplient les informations oubliées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices, les services réciproques. Un petit groupe de journalistes omniprésents - et dont le pouvoir est conforté par la loi du silence - impose sa définition de l'information-marchandise à une profession de plus en plus fragilisée par la crainte du chômage. Ces appariteurs de l'ordre sont les nouveaux chiens de garde de notre système économique.
Sur Wikipedia Serge_Halimi et Les Nouveaux Chiens de garde :
(...) met à plat les liens entre journalistes et hommes politiques. Il démontre comment un petit groupe « d’intervenants permanents » prescrit l’opinion. Journalisme de révérence, journalisme de connivence, journalisme de marché, telles sont les formes de journalisme décrites dans ce livre.
Evoquant la censure, Serge Halimi souligne :
« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». »
Son livre commence par un exergue extrait de l'ouvrage de Nizan : « Nous n'accepterons pas éternellement que le respect accordé au masque des philosophes ne soit finalement profitable qu'au pouvoir des banquiers. » Il se clôt par :
« Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé: "Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd'hui, ils dînent avec des industriels." En ne rencontrant que des "décideurs", en se dévoyant dans une société de cour et d'argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s'est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit. Il a précipité l'appauvrissement du débat public. Cette situation est le propre d'un système: les codes de déontologie n'y changeront pas grand-chose. Mais, face à ce que Paul Nizan appelait "les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise", la lucidité est une forme de résistance. »
Notes persos :
Serge Halimi avait analysé les dérives en-cours du journalisme et alerté dès 1997 sur les problèmes qui sont incontournables aujourd'hui, concernant la confiscation des médias par le pouvoir et l'argent. Personnellement j'ai adoré et je conseille. J'ai lu la première édition, une cinquantaine de pages ont été ajoutée dans celle de 2005, dont une partie concernant le traitement médiatique du référendum du TCE.
Parmi les détracteurs de l'ouvrage, il faut noter qu'en février 1998, Edwy Plenel, alors directeur de la rédaction du Monde, a écrit un article fustigeant le livre et son auteur, Le faux procès du journalisme dans Le Monde Diplomatique, dont Serge Halimi était journaliste depuis 1992.
Vous en tirerez les conclusions que vous voulez concernant Médiapart dont il est le fondateur et de son slogan de pub "l'émergence dans notre démocratie d'un authentique média libre, alors que tous les grands médias sont aux mains d'industriels proches du pouvoir" ... en ce qui me concerne c'est déjà fait !
(source image Plan B)