Guadeloupe : en grève générale depuis le 20 janvier ...

Publié le par benedicte

La Guadeloupe est en grève générale depuis le 20 janvier. La Martinique a commencé un mouvement de grève depuis quelques jours. Dix jours après le début de cette grève générale, les médias en parlaient à peine et elle était passée sous silence par le gouvernement qui n'avait pas jugé bon d'envoyer qui que ce soit sur place. Quelques témoignages ci-dessous   :

  • "Très peu d’informations circulent sur l’actualité guadeloupéenne pourtant riche en événements. En effet, depuis dix jours, l’île est paralysée. Un mouvement de grève s’est mis en place depuis le 20 janvier avec fermeture des stations essence, multiples coupures d’électricité, réapprovisionnement quasi nul dans les commerces alimentaires, boutiques closes, totalité des écoles, collèges, lycées, facultés fermés… Il s’agit d’une grève « contre la vie chère » mais la métropole semble boycotter l’information à ce sujet. Même Yves Jégo a préféré envoyer un communiqué à son préfet, Nicolas Desforges, présent sur les lieux, le laissant seul pour démêler une situation dont les origines se trouvent en métropole." Grève générale en Guadeloupe depuis dix jours : silence radio… écrit par une guadeloupéenne sur le site Medialternative.fr)

  • "Bonjour, Un journal métropolitain (20 minutes), distribué, entre autre, dans le métro parisien se plaint de n’avoir aucune information sur ce qui se passe en Guadeloupe, sauf celles que le PREFET, GILLOT, LUREL et leurs complices journalistes de la presse écrite locale (ceux qui accompagnent nos élus régulièrement dans leurs multiples déplacements à nos frais), leur adresse.Ils ne savent pas exactement en quoi consiste le « Liyannaj Kont Pwofitasyon ». Je me suis permis de leur adresser le texte [suivant]..."  écrit par Roger MONTHOUEL « La Guadeloupe en cendres »)

  • "Aujourd’hui commence en France la grande mobilisation tant annoncée. Alors que les médias français se sont fait l’écho avec beaucoup d’insistance d’une petite grève d’une heure en solidarité avec un agent de la SNCF qui avait été agressé, il est étrange de constater le silence relatif qui entoure la grève générale en Guadeloupe. Pourtant cette grève a arrêté entièrement le système économique de ce département français depuis maintenant 9 jours.  Le mouvement est porté par un collectif très large, Lyannaj Kont Pwofitasyon, (...) Sans attendre la grève du 29 janvier en France, ces organisations, indépendantes d’éventuelles directions à 8000km ont donc entamé ce mouvement, à l’issue incertaine pour le moment, mais que beaucoup qualifient déjà d’historique." ( Grève historique : la Guadeloupe a commencé depuis 9 jours Topo sur la grève à destination des lecteurs en France sur Agoraox par Deor rédacteur au Mika Déchaîné mensuel guadeloupéen)

  • 14ème jour de grève générale en Guadeloupe. L’île est totalement paralysée.  C’est clair, sous les tropiques, on ne danse plus. Les guadeloupéens dans leur ensemble sont en train de donner une leçon aux français. Et même si aucun média ne rapporte quoi que ce soit d’approfondi sur ce que j’appelle une insurrection digne et tranquille, le peuple guadeloupéen est en train de prouver aux politiques et aux décideurs économiques que sans le peuple, rien ne se fait. (Les entourloupes de l’état en Guadeloupe blog de Milton Dassier)


Les maux qui rongent les Antilles sont les mêmes qu'en France (et ailleurs)  : inégalités et pauvreté croissante, flambée des prix, collusion des gros intérêts financiers avec ceux d'une classe politicienne avec une corruption généralisée, mais amplifiés par l'insularité d'un petit territoire, et les spécificités liées à l'histoire coloniale des Antilles.

Une petite minorité richissime fait la loi, en situation de monopole dans la distribution entre autre, fait que les prix de l'alimentaire sont excessivement élevés, bien au-delà du fait que bon nombre de produits sont importés. Je n'ai pas noté les prix mentionnés dans des commentaires, il ne me reste en tête que celui du paquet de pâtes en Martinique où les prix sont encore plus élevés qu'en Guadeloupe : 3€85 ! Et les produits locaux subissent la même taxe que les produits importés (il faut bien que les politiciens palpent !).

L'essence est vendue à prix exorbitant par la SARA (1), raffinerie en position de monopole filiale de Total (encore eux !). C'est la Guyane qui a commencée fin 2008 à protester contre les prix du carburant pratiqués par la SARA (DOM-TOM en crise : où en sont les « confettis de l'empire » de Pierre Haski - RUE89 - 30/11/2008).

La caste dirigeante est très majoritairement blanche, composée particulièrement en Martinique des descendants des colons blancs esclavagistes, les békés (2), alors que très majoritairement la population est noir, indienne et métissée. Les jeunes diplômés qui issus de cette population n'ont que peu de chance de trouver un emploi correspondant à leur qualification, tout ce qui relève de l'encadrement et postes à responsabilité est insidieusement très majoritairement blanc, dont une partie significative vient de métropole ou de l'étranger. Il ne faut pas ensuite s'étonner, que le passé colonialiste et d'esclavage des Antilles reste une source de ressentiment et que la page sur ce passé, ne puisse être tournée.(3)


Dans l'article Le mépris raciste de l’État français pour ses colonies, "y aurait-il un problème racial aux antilles ?" , l'auteur illustre son analyse par la mise en parallèle des deux photos mises ci-dessous :


réunion des patrons de la Guadeloupe au WTC, le 1er février dernier
manifestation du 24 janvier devant la mairie de Pointe-à-Pitre

Cette grève n'est pas une grève aux revendications indépendantistes ou contre les métros (les français de métropole).  Il y a évidemment des guadeloupéens indépendantistes et il n'y a aucune raison que le racisme soit absent en Guadeloupe, alors qu'il est présent partout de part le monde. Mais présenter, comme le font certains, cette manifestation d'une population en colère, "contre la vie chère", comme étant à vocation raciste anti-français, voire anti-blanc, et/ou pro-indépendantiste est malhonnête.  La colère des guadeloupéens est tout aussi légitime que celle qui nous a fait sortir manifester le 29 janvier.

Elle est portée par un collectif très hétéroclite regroupant une quarantaine d'associations et syndicats :" lyannaj kont pwofitason"  (LKP) (4)

Vous pouvez lire ici les revendications du collectif :  « Kont pwofitasyon » : la plateforme de revendications  (les revendications « immédiates » sont en gras)


L'arrivée des plus tardives d'un émissaire du gouvernement, son départ impromptu il y a 3 jours et l'absence de toute évocation de la situation de la Guadeloupe lors de l'intervention télévisée de NS, accroissent le ressentiment d'une partie des guadeloupéens.

"Malgré des questions sur la crise, le pouvoir d’achat et les mouvements sociaux, ce silence du chef de l’Etat est tout simplement choquant et stupéfiant, impensable si un territoire hexagonal avait connu pareil blocage. (Bondamanjak)


Compte-tenu de la réalité de la situation en Guadeloupe, comme je l'ai dit la colère de la population est légitime. Par contre même si j'ai parcouru les articles, déclarations et analyses, les commentaires sur les articles sur le net, je ne peux pas émettre d'avis pertinent, concernant les acteurs locaux du LKP, ni  sur les solidarités et dissensions au sein de la population.


Comment ça se passe sur place avec la fermeture des stations services, des supermarchés et le blocage portuaire ? Comment ça se passe pour  ceux qui sont en grève et ne perçoivent plus de salaire ? Je ne sais pas. Si certains gardent le sens de l'humour (illustration ci-contre du site BondaManJak), dans les commentaires ont trouve bien les gens qui râlent, il y a même une pétition qui circule « contre la grève », (qui fait un peu penser à celle qui avait été lancée en France lors d'une grève des transports il y a quelques mois,) et ceux qui défendent le mouvement qu'ils en soient partie prenante ou le soutienne. Mais je n'ai pas trouvé d'articles ou commentaires sur comment les gens vivent et s'organisent au quotidien dans cette situation de crise, et de pénurie, qui bouleverse toutes les habitudes.

Des producteurs de tomates ont invité la population à venir se servir dans leurs champs au lieu de les laisser pourrir ( Agriculture : tout n'est pas perdu !) parce qu'ils ne peuvent exporter la production en raison du blocus portuaire. J'imagine que des solidarités se mettent en place pour pallier aux difficultés quotidiennes mais à quel point je ne sais pas. Lire Les antilles: protectorats ou départements? qui traite, malgré le titre, en partie du quotidien.


Par ailleurs ce mouvement va t-il participer l'émergence dans la population d'un dialogue et débat de sociéte, d'une reprise en main de leurs droits de citoyens, qui est tout autant nécessaire en Guadeloupe, qu'il l'est chez nous en métropole  et partout d'ailleurs ? Il y a un texte qui est paru sur Montray Kreyol, que je vais reprendre séparément, parce que bien que son auteur s'adresse aux guadeloupéens, le propos de fond est de portée bien plus générale : La Guadeloupe doit parvenir à une percée en responsabilité . Comme le dit l'auteur Gérard Delver :  « Tous les peuples du monde devront penser l’alternative aux appétits capitalistes et à la prédation économique : c’est une affaire de survie. »


Ce qui inquiète le gouvernement est la contagion possible aux autres Dom, mais également en métropole, et il est hors de question pour lui, (mais ça nous le savons) de se préoccuper des difficultés croissantes de la population dans sa vie quotidienne, alors que des milliards d'Euros sont débloqués pour les gros intérêts financiers.

J'ai appris par ailleurs qu'en 1967, le gouvernement français n'avait pas hésité à faire tirer à balle réelles sur les manifestants de l'époque : bilan 100 morts ! Et depuis le début de cette grève, alors même qu'aucun membre du gouvernement n'avait daigné se déplacer, des renforts en militaires et CRS ont été envoyés sur place.


Et maintenant ?


Mouvements aux antilles : le point general par BondaManJak, le 11 Février 2009

Guadeloupe
Yves JEGO est de retour en Guadeloupe avec deux négociateurs pour revoir "ses chers compatriotes de Guadeloupe" (dixit). Dans un communiqué assez flou il souhaite "une Guadeloupe plus forte plus unie plus fraternelle". Bref ça ne mange pas de... pain.
Les élus de la Guadeloupe, eux, réclament un accord sur les salaires.

Les négociations ont repris.

(Lire également : Jégo reprend ses consultations  et Yves Jégo de retour aux Antilles, le LKP appelle à durcir le mouvement.)
Martinique
Premier point des revendications sur les 4 inscrits au tableau des négociations : Accord sur une baisse de 20% sur les produits de première nécessité. Négociations reprennent à 10H00. Une liste de 100 produits sera établie.
Les Martiniquais ont fait la queue toute la nuit devant certaines stations dans l'espoir de faire un peu d'essence. Ce mercredi ce n'est pas la peine d'attendre : la SARA est bloquée.

Les paquebots annulent leurs escales en Martinique. Les tours opérateurs s'inquiètent d'une paralysie générale, à l'image de la Guadeloupe.

(Lire également :  Négociations en suspens … et  Accord sur la baisse des prix, la grève générale continue
)


Donc à suivre ...

_______________________________

Notes :

  • (2) Concernant les békés, un reportage est passé la semaine dernière sur Canal+, vous pouvez lire la retranscription des dialogues du reportage ici : Capitalistes, arrogants, racistes, manipulateurs..., et s'il est toujours en ligne le voir ici sur MEGAVIDEO : Les derniers maîtres de la Martinique

  • (3)  Le 28 janvier dernier, lors des négociations au WTC Willy Angèle président du MEDEF Guadeloupe affirmait qu’il était prêt à travailler sur un « projet de territoire » s’il le fallait et exprimait, à travers son expérience de Mai 1967, son aversion pour les débordements violents, ne voulant pas voir son pays se déchirer comme le firent les Tutsis et les Hutus. Caribcreole.com a publié publie l'« intervention » d’Elie Domota, (LKP) : La parole d'Élie Domota.

  • (4) Explications données par Roger Monthouel (voir l'article plus haut "La Guadeloupe en cendres" : Dans les rues où se retrouvent pêle-mêle : personnes âgées, RMIstes, locataires d’HLM, mouvements culturels, travailleurs pauvres, jeunes et … petits patrons, tous ensemble contre les « pwofitasyons ».Il s’agit de bien définir les mots « Liyannaj » et « Pwofitasyon » :
    « Liyannaj » viendrait du français liane ou un entrelacement parfait de plusieurs lianes (rassemblement indéfectible).
    « Pwofitasyon » est un mot aux racines françaises (profiter) mais qui ne se retrouve pas dans cette langue et qui pourrait se traduire par : « action de profiter ». Dans le créole ce mot a une toute autre signification : il s’agit de bombance aux dépens d’un petit avec une forte notion d’injustice ; le bénéficiaire n’étant autre que le « pwofitan ».



Pour se tenir au courant de la situation dans les Antilles, quelques sites d'informations et blogs que j'ai croisé et dont j'ai lu les articles et commentaires, en cherchant à m'informer sur ce qui se passait. Il faut toujours écouter les personnes concernées (en l'occurence les guadeloupéens) et non la version "officielle" réductrice des grands médias. Si les faits en soi, sont importants, le vécu des gens l'est tout autant. Il est d'autant plus facile d'orienter ou manipuler l'interprétation des faits, qu'on les déconnecte de la réalité vécue, mais aussi du contexte global économique, politique, social, etc... et de l'histoire. 



Le site du collectif LKP

(ajouté le 13 février je ne l'avais pas trouvé lors de l'écriture de l'article)

  • UGTG  Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe

  • Medialternative.FR Portail collaboratif d'information, d'analyse et d'action

  • Montray Kreyol   Centre de ressources pour la préparation des concours et examens de langue Créole : CAPES, Licence, Master, Doctorat, Professorat, etc...

  • CARIB CREOLE ONE Toutes l'actu des caraïbes

  • BONDAMANJAK L'info locale en permanence

  • DOM Actu Le Quotidien d'actualité des DOM, Antilles-Guyane & Caraïbes, Débats sur l'actualité en Martinique, Guadeloupe, Guyane, dans les îles du Nord et la Caraïbe.

  • INFOAntilles.com , les Antilles autrement

  • Gens de la Caraïbe  , réseau des cultures caribéennes

  • Maxi-mini.fr Guadeloupe, Martinique, Guyane

  • Le blog La Martinique perd le nord "Le martiniquais lambda que je suis, aborde sans langue de bois les sujets qui fachent. La Martinique perd le nord. Des disfonctionnements en tout genre décrire dans ce blog la saga lamentable de l’ile n’est pas une joie, mais je conçois que c’est devenue une nécessité à partir de maintenant."

  • Le blog Ma Gwada, dans tous ses recoins La Guadeloupe vue autrement, et tous mes coups de coeurs! Kimbé Solid...

  • Le blog Indiscrétions d'André-Jean Vidal (journaliste à France-Antilles)

  • RFO.fr qui couvre tous les DOM

  • RCI.fm Radio Caraïbes International (Guadeloupe et Martinique)


Publié dans Politique France

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M
Incroyable, mais Vrai Dieu est toujours Grand. Après plusieurs rejets de ma demande par la banque, j'ai bénéficié d'un prêt grâce à une dame bien honnête . Pour en savoir plus, veuillez simplement prendre contact avec elle par e-mail au : marilinetricha@mail.ru elle offre des prêts de 3 000€ à 3.000.000€ à toute personne capable de le rembourser avec intérêt à un taux faible de 2 % ne doutez pas de ce message. C'est une parfaite réalité. Faites passer le message à vos proches qui sont dans le besoin.<br /> le remboursement commence 5 mois après avoir reçu votre crédit<br /> Que Dieu vous bénisse....
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M
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S
Oui, je suis effarée de constater le peu d'intérêt qui se manifeste envers nos compatriotes...Une véritable honte de la part de nos dirigeants !
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B
<br /> C'est volontaire de leur part, quand à la honte ils ignorent ce que c'est, pour avoir des états d'âme, il faut avoir une conscience ... et ils en sont totalement dépourvus ! Amicalement<br /> <br /> <br />