L’enfance comme catégorie socialement dominée
Une nouvelle brochure parue sur Infokiosque.net qui est une réflexion sociologique sur le statut de l’enfant dans la société française actuelle. Si les textes publiés sur ce site sont inégaux, Il est une source intéressante de réflexions et de témoignages, dont les auteurs sont parfois anonymes comme le texte présenté ci-dessous.
Suite à l'article Comment nous détruisons nos enfants ... je voulais faire un commentaire sur le regard porté sur les enfants et le fait qu'ils étaient juriiquement objet dont les parents détenaient la propriété. Qu'ils étaient effectivement traités comme tels par la majorité des parents, comme n'étant pas des individus à part entière ayant une personnalité propres indépendantes de la leur, qu'il leur était interdit d'exprimer et qu'ils devaient se conformer aux attentes que leurs parents projetaient sur eux, sans pouvoir s'opposer ou se soustraire à cette négation de leur existence, qui est, qu'on l'admette ou non, une violence exercée à leur égard. On pourrait croire qu'aucun adulte n'a été enfant, tant le refoulement du vécu de l'enfance est refoulé et est un tabou dans notre société.
Je n'ai toujours pas réussi à structurer un écrit cohérent sur ce sujet, mais cette réflexion sur le statut de l'enfant que je viens de croiser, s'il n'exprime pas ce que je voulais dire, évoque certains des aspects que je voulais exposer.
Comme je le dis plus bas suite à une citation tirée du texte, je suis une ancienne enfant qui n'a pas oublié, ce qui ne signifie pas pour autant que j'ai été une mère exemplaire, loin de là, ma fille pourrait en témoigner. Comme l'expliquait assez justement le précédent texte, le processus de libération à ses propres lois, et c'est justement un processus, il ne suffit pas d'être mentalement conscient pour que cela change fondamentalement nos comportements, cela permet de ne pas reproduire l'intégralité de ce que nous avons subi, mais seulement la partie dont nous sommes conscients, il faut ramener des profondeurs où nous l'avons enfoui pour l'oublier, le vécu passé pour comprendre les automatismes qu'il a engendré pour progressivement les déconstruire.
Ce comportement étant généralisé et caractéristique de l'être humain, il ne s'agit pas de s'enfermer dans un sentiment de culpabilité, ça n'aide pas à la compréhension, mais il ne s'agit pas non plus de chercher à se justifier, parce que refuser de faire face à ses actes et d'en assumer la responsabilité, c'est refuser de comprendre. De surcroît être complaisant vis à vis de nous-même c'est faire porter le poids et la responsabilité de nos actes à nos enfants, c'est une violence, une négation de leur existence supplémentaire que nous leur infligeons.
Ce n'est pas seulement une déconstruction d'un vécu personnel, mais une déconstruction de représentations et croyances véhiculées par la société, depuis des siècles, sur la famille, l'enfant, l'adulte, le respect, la responsabilité, l'autorité, etc... Donc ce processus de déconstruction ne peut-être que générationnel, pour progressivement changer notre vision dans le temps, de nos relations à l'autre en général et à nos enfants en particulier.
Il y aura d'autres articles sur ce sujet ...

par Anonyme
La présentation du texte :
Et peut-être le post-scriptum à la fin du texte, peut vous aider à l'imaginer, qui est extrait de "Les enfants d'abord" de Christiane Rochefort paru chez Grasset en 1976. Personnellement, je suis comme Christiane Rochefort, et peut-être l'auteure, une parmi ces anciens enfants qui n'ont pas oublié.
Les femmes et les non-blancs ayant crié assez fort, on leur a finalement consenti le statut d’opprimés. Mais on ne pense pas encore aux enfants, car ils se taisent. De tous les opprimés doués de parole, les enfants sont les plus muets. Les cris et fureurs qui émanent du groupe ne sont pas perçus comme protestation inarticulée, mais comme un fait de nature : les enfants, ça crie. Nul être pourtant ne crie sans raison.
« Les enfants » (la seule définition précise et recevable du terme étant celle de la Loi : personnes de 0 à 18 ans) ne disposent pas de moyens de s’exprimer. Ils n’y sont pas invités, les décisions qui les concernent étant prises sans leur avis. Ils croient qu’ils ne savent pas, étant dits ignorants bien qu’on les instruise six heures par jour. Et par-dessus tout ils n’osent élever la voix, étant pour leur survie dans la dépendance totale des adultes, qui ne permettent pas la mise en question de leurs Œuvres - ces œuvres qui seront l’héritage forcé des gens aujourd’hui jeunes, et muets.
Ce sont les adultes qui parlent pour les enfants, comme les blancs parlaient pour les noirs, les hommes pour les femmes. C’est-à-dire de haut, et de dehors.
Entre les adultes qui parlent des enfants comme ils les veulent, et les enfants qui ne peuvent pas parler pour eux-mêmes, la passe est étroite.
Et la mystification se porte bien.
Il faudrait pourtant sortir de là.
Mais être « adulte » après tout n’est qu’un choix, par lequel on s’oublie, et se trahit. Nous sommes tous d’anciens enfants. Tout le monde n’est pas forcé de s’oublier. Et dans la situation dangereuse où le jeu adulte aveugle nous a menés, et veut entraîner les plus jeunes, l’urgence aujourd’hui presse un nombre croissant d’anciens enfants qui n’ont pas perdu la mémoire de basculer côté enfants.
Ayant longuement vécu dans la cité, on connaît la mécanique du jeu adulte. On peut en montrer les rouages. Comme ancien enfant qui a gardé la mémoire, on se souvient que la dépendance nous mettait un bâillon, et que l’éducation nous bandait les yeux, nous imposant non seulement des conduites mais des façons de sentir, conformes au projet adulte, et qui invalidaient notre expérience. On peut le dire, et confirmer l’expérience. On ne parle pas du dehors, « sur » les enfants, on parle du dedans, et de soi.
Ce n’est pas un travail objectif. Mais les enfants ne sont pas des objets. C’est dans cette marge étroite que se situe cette tentative : il faut commencer quelque part.
Cela implique que, si pas comme enfant, c’est comme ancien enfant qu’il faudrait regarder ce qui suit.
Une parmi des anciens enfants
Christiane Rochefort