Economie : le blog de Paul Jorion, analyses sur la crise actuelle
Economie : le blog de Paul Jorion, analyses sur la crise actuelle
Un blog a explorer, dont je vous mets le lien vers deux articles. Le seul point de désaccord que j'ai avec certains textes que j'ai lu, est la conception de l'auteur de "la nature livrée à elle-même", qui correspond à la vision "l'homme génére de l'orde là où la nature génére du désordre" qui me fait hurler depuis toute jeune, parce que c'est une représentation erronée du mouvement de la Vie. Ceci dit ça n'invalide pas pour autant les propos et analyses économiques de l'auteur !
En premier, un article sur " La crise des subprimes pouvait être évitée", confirmation que le politique peut si il veut, mais faut-il qu'il veuille, et l'avidité irresponsable, à courte vue et stupide de ceux qui prétendent diriger le monde.
Ensuite un article plus général concernant l'économie mondiale "Aux grands maux, les grands remèdes" qui devait être publié dans le Monde Economique, et ne l'a pas été,sans que l'auteur soit prévenu.
Une analyse intéressante, mais la solution préconisée, une constitution pour l'économie mondiale, au sens où l'entend Paul Jorion, pourquoi pas, c'est à étudier. Toutefois ce projet me paraît peu réalisable actuellement, l'adoption de cette constituion supposant un accord de l'ensemble des nations. Comme il ne faut pas compter sur l'intelligence et la conscience de ceux qui détiennent l'argent et des politiciens qui les servent, pour agir dans l'intérêt général ... la dégradation du sytème va continuer sans que nous puissions bien en évaluer les conséquences.
A propos de l'auteur (source son blog)
Paul Jorion est Docteur en Sciences Sociales de l’Université Libre de Bruxelles. Il est diplômé en sociologie et en anthropologie sociale. Il a enseigné aux universités de Bruxelles, Cambridge, Paris VIII et à l’Université de Californie à Irvine. Il a également été fonctionnaire des Nations-Unies (FAO), participant à des projets de développement en Afrique.
Paul Jorion a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il avait préalablement été trader sur le marché des futures dans une banque française. Il a publié un ouvrage en anglais relatif aux répercussions pour les marchés boursiers de la faillite de la compagnie Enron : Investing in a Post-Enron World (McGraw-Hill : 2003). Il a publié plus récemment, Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007) et L’implosion. La finance contre l’économie : ce que révèle et annonce “la crise des subprimes” (Fayard : 2008).
Paul Jorion est « Visiting Scholar » du Programme Interdépartemental Human Complex Systems de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).
La crise des subprimes pouvait être évitée
Publié par Paul Jorion - le 10 mai 2008
Saviez-vous que la crise des subprimes était évitable ? En 1999, l’état de Caroline du Nord vota une législation qui – si elle avait été appliquée à l’échelle des États–Unis tout entiers – aurait empêché la crise des subprimes d’avoir lieu.
Cette législation a été combattue par la Mortgage Bankers Association, l’association professionnelle des organismes de financement de prêts au logement. Elle a survécu à cet assaut et c’est ce qui nous permet de savoir aujourd’hui que cette loi constituait bien la solution du problème mais le harcèlement par la Mortgage Bankers Association et d’autres lobbys dans les autres états empêcha que ceux–ci n’adoptent le même type de législation.
Les deux présidences George W. Bush présentèrent un certain nombre de traits sur lesquels je n’aurai pas le mauvais goût de m’appesantir aujourd’hui. Parmi les plus anodins, la léthargie dans laquelle étaient tombés les régulateurs du milieu financier. La présence à la tête de la Fed d’Alan Greenspan, partisan d’une version extrémiste du laissez-faire, inspirée du « libertarisme » militant d’Ayn Rand, son mentor, facilita les choses. L’expression d’« anarcho–capitalisme », introduite par Dany–Robert Dufour pour caractériser cette tendance, lui convient parfaitement.
Le sommeil comateux des régulateurs au niveau fédéral n’empêcha pas différents états (30 à la mi–2007) et grandes métropoles (17 à la mi–2007) de prendre des mesures de leur côté sans attendre que le gouvernement fédéral n’intervienne, prenant comme modèle un cadre de réglementation existant : le Home Owner Equity Protection Act (HOEPA), largement inefficace car ne s’appliquant qu’aux cas les plus criants, mais en en radicalisant les termes. La plus ancienne de ces mesures avait été prise par l’état de Caroline du Nord en 1999, pour éliminer spécifiquement le « prêt rapace » (predatory lending) qui caractérise une portion du secteur subprime. Plusieurs études ont été publiées depuis qui évaluent son efficacité.
L’état de Caroline du Nord reprenait à la nomenclature de HOEPA une catégorie de prêts qualifiés de « prêts à frais élevés » (high cost loans) – un terme qui renvoyait en fait à la même réalité que celui de « secteur subprime » – et appliquait à ces prêts des prohibitions spécifiques dont je ne vous passerai ici les détails mais que vous pourrez bientôt lire si cela vous intéresse dans L’implosion (Fayard 2008), aux pages 264 à 268.
Dans le cas de ces « prêts à frais élevés », il était désormais interdit :
Un texte que Le Monde Economie a refusé de faire paraître après avoir donné son accord voir ici échange de mail entre l'auteur Paul Jorion et A. de Tricornot du Monde Economie "La finance n’est pas seule dans la tourmente"
Aux grands maux, les grands remèdes
Publié par Paul Jorion le 10 février 2008
Ce texte doit paraître demain (11 février) en tribune libre dans Le Monde Economie. Il est présenté ici en version longue : le texte publié sera plus court en raison de la contrainte de ½ page.
Aux grands maux, les grands remèdes (1).
Le système financier moderne qui, pareil à un système sanguin, irrigue les économies en capitaux, est gravement malade. Je ne suis pas seul à le dire : le diagnostic est le même chez Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie, chez Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République ou encore chez Bill Gross, Directeur chez PIMCO, la principale SICAV d’obligations américaine. Les dysfonctionnements sévères de la finance ont rapidement envahi notre vie quotidienne et le malaise est soudain ressenti par tous. Comme avec une mauvaise grippe, nous découvrons l’ampleur du mal parce que, sans crier gare, nos jambes soudain se dérobent. On parle du coup, dans un retour de balancier classique, de réguler à nouveau ce qui a été dérégulé au fil des ans. Mais il faut déchanter : les vieilles recettes n’ont hélas plus cours. La crise est inédite car la finance moderne s’est métamorphosée en un outil d’une puissance et d’une complexité étonnantes. Chacun de ses rouages contribue au même effet d’ensemble : assurer au plus petit nombre le plus grand gain possible. Les moyens qu’elle s’est donnée ont pour noms : « prix spéculatif, « effet de levier », « produits dérivés », tous reposent sur le même principe : amplifier le plus possible la chance de gain et augmenter concurremment, bien sûr, le risque de pertes. Par leur effet conjugué ils ont rendu le désastre inéluctable. Une régulation « à l’ancienne » serait sans portée : insuffisante à la tâche. Ce que la gravité de la crise réclame est d’un tout autre ordre, celui, radical, d’une transplantation d’organe : il faut maintenant rendre à l’économie réelle, celle de la production, de la distribution et de la répartition des richesses, un système sanguin sur lequel elle puisse à nouveau compter. Il faut lui offrir une authentique constitution dont ce soit elle, l’économie réelle, qui dicte les termes, et veiller à ce que le système financier se conforme à ce cadre.
L’inclination de la finance au débordement a été notée dès ses débuts. On la réglementa, mais toujours post festum : en une suite de remèdes ad hoc mis au point chaque fois qu’une catastrophe avait d’abord fait peser son poids de maux et des misères. L’héritage est celui d’une réglementation qui, quelle que soit son adéquation apparente à son but, s’assimile en réalité à une longue série de palliatifs qui furent chacun de circonstance. Cette histoire est donc celle du cantonnement : aucune de ces mesures ne dépasse la juridiction étroite qui lui fut attribuée lors de sa mise en place ; aucune ne déborde de son cadre immédiat, ignorant du coup les abus qui s’observent déjà dans des contextes similaires, et impuissante devant les autres crises qui menacent.
La dégradation du système financier n’est pas encore entrée dans sa phase finale : la crise de l’immobilier américain n’en est encore qu’à ses débuts et la gangrène qui ronge le marché des capitaux atteint chaque jour de nouveaux secteurs qui se ferment alors l’un après l’autre (2). Les faits parlent, les responsables aussi mais leurs propos ne rayonnent pas de la confiance et de la sérénité que l’on attendrait d’eux : leurs déclarations combinent de manière inquiétante voeux de réforme et assurances que rien dans la situation actuelle n’est réellement préoccupant. Ils trahissent ainsi partager le sentiment général : que la solution salvatrice ne sera pas trouvée dans la science abstraite et dégagée des contingences humaines que nous proposent les économistes. Les mesures envisagées présentent en conséquence le même caractère qu’elles eurent toujours par le passé : ponctuelles, c’est-à-dire sans généralité, et à court terme, c’est-à-dire à la vue trop étroite. En raison du caractère fragmentaire qu’elles présentent aussi bien dans la chronologie que sur le plan conceptuel, elles ne tarderont pas à révéler leurs insuffisances.