Eleanor Burke Leacock anthropologue : Les sociétés égalitaires (sans structure hiérarchique et sans domination masculine)
Eleanor Burke Leacock anthropologue : Les sociétés égalitaires (sans structure hiérarchique et sans domination masculine)
Article en provenance du site Tintin Révolution
C'est un article assez long, je n'en mets qu'une partie, le reste est à lire sur le site d'origine. Je ne ferais pas de commentaire. Les propos d'Eleanor Burke sont très intéressant, puisqu'elle démontre que contrerairement à une idée qui continue à avoir pignon sur rue, les sociétés humaines ne sont pas universellement bâties sur des rapports de domination et de hiérarchie, non plus que sur la domination des hommes sur les femmes. Ce sont de ces sociétés humaines, qu'elle appelle églitaires avec lesquelles elle a travaillé dont elle parle. L'interprétation qu'elle fait de l'évolution de nos sociétés, n'est pas forcément juste, je ne dis pas que c'est faux non plus, je n'ai pas d'opinion pour l'instant, il y a toujours un ensemble de causes à une évolution dans le temps et ce qu'elle avance peut être une cause sans en être la seule.
Je n'en déduis pas non plus que la nature humaine est "naturellement" bonne, sinon des sociétés basées sur l'asservissement et donc la prédation n'auraient jamais vu le jour.
Ce qui est intéressant aussi, c'est que l'entrée des femmes dans le domaine de l'anthropologie a beaucoup contribué à porter un regard différent sur certains peuples, ce qui a remis en cause ce qui était considéré comme "réalité" et qui n'était que la projection des croyance de l'anthropologue, en fait de la société dont il était issu, sur le peuple observé.
Cette fâcheuse manie de l'être humain de ne regarder qu'à travers le filtre déformant de ses croyances, au point d'occulter ce qui les infirmerait se retrouve dans la manière dont il aborde les autres espèces et le vivant en général. Il cheche non à comprendre réellement ce qui est, mais à conforter ses croyances en cherchant des éléments qui vont les alimenter. La recherche n'échappe malheureusement pas à cette mécanique et les chercheurs honnêtes, en recherche de compréhension et non de validation de leurs théories, sont minoritaires et leurs travaux peu diffusés.
Il n'est pas nécessaire d'être chercheur patenté, pour être en recherche de compréhension du vivant, il est nécessaire d'avoir l'esprit ouvert d'être capable d'accepter que les faits, que ce que l'on croise remette en cause les représentations "fausses" que nous avons reçues ou construites de ce monde ...
Eleanor Burke Leacock 1922-1987
E. Leacock était une anthropologue qui a étudié les peuples du Nord-Est du Canada et de là les sociétés égalitaires et l’évolution de leur culture, à travers l’exemple des Innus ( source http://fr.wikipedia.org/wiki/Naskapis )
( texte original en anglais)
Introduction :
Les représentations populaires des relations hommes-femmes dans la société primitive sont résumées par l’ « homme des cavernes » porteur de massue de la BD du New Yorker qui tire sa femme derrière lui par les cheveux. A un niveau plus élevé, supposé scientifique, les écrits de Robert Ardrey, Desmond Morris et leurs semblables renforcent cette image1. Derrière l’hilarité due au dessin, ou derrière n’importe quelle image tissée à partir du bric à brac ethnographique sorti du contexte, le message reste toujours le même : les êtres humains ont toujours été agressifs et compétitifs, et les hommes l’étant plus que les femmes, ont toujours été dominants. Le thème se répète avec des variations : notre nature « animale » ou « primitive » reflète la « loi de la Jungle » par laquelle la puissance crée le droit parce que la nature humaine fondamentalement brutale – c’est ainsi qu’on l’explique—subsiste sous le fin vernis de civilisation avec sa Règle d’Or « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent » et la valeur de notre culture prétend se baser sur la vie humaine et l’individu. Quand, cependant, nous pesons les informations de l’anthropologie sociale et physique, de l’archéologie et de la primatologie dans leur totalité, plutôt que dans une sélection arbitraire, elle nous racontent une autre histoire. Socialisation, curiosité, esprit ludique, et non la compétitivité sûre d’elle-même et l’agressivité, ont permis aux créatures petites et sans défense d’évoluer vers l’être humain qui a créé de nombreuses manières de vivre dans le monde.
La socialisation, c'est-à-dire le désir fort de se rapprocher de ceux de sa propre espèce, et l’intérêt débordant envers eux caractérise nos ancêtres primates. Combattre et gaspiller apparaissent comme subsidiaires, pas fondamentaux. L’humanité n’a pas évolué, comme le postulait Hobbes, depuis un ancêtre agressif de façon innée. Avec du recul, il est clair qu’elle ne pouvait pas faire ainsi. La base de cette évolution réussie fut la vie de groupe qui à la fois nécessitait et rendait possible les comportements coopératifs. En conséquence, la coopération a mené au développement des outils et ustensiles sophistiqués et de l’élaboration du langage2. Elle en dépendait aussi d’ailleurs, parallèlement.
On a beaucoup écrit sur le fait que nos ancêtres primates se tournaient vers la chasse pour ajouter un supplément à la cueillette de nourritures végétales. On lit que le fait de tuer un animal , stade primitif de l’histoire humaine a mené à des conduites agressives profondément ancrées. L’argument a été persuasif, spécialement depuis qu’on l’utilise pour rationaliser les conduites de domination des politiciens ambitieux et des financiers puissants qui les soutiennent, en leur reprochant leurs actions au nom de la nature humaine. Les gens oublient que, chez les animaux, tuer les autres espèces ne mène pas à tuer la sienne propre et que tuer sa propre espèce est humain. On doit s’interroger : Quelle signification actuelle a le fait de tuer des animaux pour les peuples qui dépendent de la chasse pour vivre ?
Quelques peuples, non atteints par l’industrialisation jusqu’à récemment vivaient largement de la cueillette de végétaux sauvages et de la chasse. Ils valorisaient les talents de chasseurs, mais l’agressivité telle que nous la connaissons dans nos sociétés était dépréciée . La chasse était un travail spécialement pénible, certainement aussi parfois un défi excitant, mais aussi une corvée. Le sentiment envers les animaux tués, surtout les plus gros, ne ressemblait pas à notre fierté égoïste de conquête. Il révèle au contraire des attitudes de gratitude et de respect. Des dieux animaux étaient honorés assez souvent et dans les contes, hommes et animaux avaient une interaction très proche ; ils se mariaient entre eux, donnaient naissance les uns aux autres, s’enseignaient mutuellement, et passaient des accords pour sceller leurs relations. Ces peuples coopéraient pour obtenir de la viande et partageaient les animaux obtenus. Depuis les Bushmen chasseurs-cueilleurs du désert du Kalahari en Afrique du Sud-Ouest jusqu’aux Eskimos chasseurs de mammifères marins, les arrangements sociaux des peuples chasseurs étaient similaires. Le sociétés qui vivaient de cueillette et de chasse(et pêche) étaient coopératives. Les gens partageaient la nourriture et pensaient de l’avidité et de l’égoïsme ce que nous pouvons penser des comportements de malades mentaux ou de criminels. Ils fabriquaient et donnaient de la valeur à leurs possessions, mais autant pour les donner que pour les garder.
Les gens ne suivent pas un leader unique, mais participent à l’élaboration des décisions—des codes marquaient l’importance de taire les animosités et de restreindre jalousie et colère. Parfois l’inimitié personnelle était ritualisée comme dans le duel au tambour des Eskimos, ou deux adversaires se hurlent des insultes l’un après l’autre en chansons. Les gens se critiquaient l’un l’autre par la plaisanterie ou la taquinerie, ce qui menait à des éclats de rire auxquels se joignait même la personne critiquée. Quand des combats sérieux menaient à blesser ou tuer une personne, on recherchait l’expiation plus que le châtiment. La guerre était rare, voire inconnue. Quand cela arrivait cela prenait la forme de raids rapides, pas de conflits organisés pour des territoires, des esclaves ou un tribut Deux peuples chasseurs ont récemment été filmés et on a écrit sur eux : les gentils et chaleureux chasseurs de singes Tasaday des Philippines et les inamicaux et compétiteurs désespérés Iks du Kenya3. Ce sont les Tasaday qui vivaient récemment leur propre vie libre, qui nous donnent la meilleure approximation de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, car les Iks ont été chassés de leurs terrains de chasse et, totalement démoralisés, ils semblent aller vers un suicide collectif. Propriété privée, stratifications sociales, soumission politique, et guerres institutionnelles avec des armées permanentes sont des inventions qui ont évolué au cours de l’histoire humaine. Elles n’expriment pas automatiquement quelque nature humaine innée. Autrement, la grande majorité d’entre nous aujourd’hui ne chercherait pas si ardemment à se procurer un niveau de vie sûr, un minimum satisfaisant, et sympathique, mais se jetterait avec enthousiasme dans la compétition, l’agression et la violence permises et encouragées par notre structure sociale.
... Lire la suite >>