VIDEO SURVEILLANCE : Contexte politique par Gilles Sainati
VIDEO SURVEILLANCE : Contexte politique
Gille Sainati - février 2008
(Texte de réflexion en cette période de campagne pour les élections municipales.)
La vidéo surveillance devient la dernière technique à la mode en matière de sécurité, principalement sous l’impulsion de notre Président de la République.
En effet le gouvernement s’apprête a mettre en place un plan drastique de suppression -d’ici à 2011- de 10000 emplois dans la police et la gendarmerie. Ce plan révélé par une dépêche de l’Agence France Presse du 23/10/2007 prévoit entre autres "la remise à plat de l'organisation territoriale des forces (de sécurité) et de la formation", ce qui impliquerait la "fermeture de la moitié des brigades" de gendarmerie et la "constitution de grandes circonscriptions de police nationale sur le périmètre d'agglomérations de plus de 50000 habitants....
C’est dans ce contexte de pénurie des services publics que la vidéo-surveillance est proposée par Nicolas Sarkozy en reprenant l’exemple anglais ( exemple unique au monde) où est implanté 25 millions de caméra contre un million en France.....Un Londonien peut être filmé par le réseau de surveillance (CCTV) jusqu'à 300 fois par jour.
Efficacité de la technique
L’efficacité de la video en matière de lutte contre la délinquance reste a prouver......Aucune étude ne démontre l’efficacité de cette technique. L’exemple Britannique démontre, a contrario, que l’implantation d’une réseau serré de caméra ne fait pas baisser les chiffres de la délinquance.
En fait, la vidéo surveillance déplace la délinquance dans d’autres aires géographiques de la ville ou du pays où elle est implantée.
Sur un plan économique le marché, qui était de 645 M d'euros en Europe en 2003, devrait ainsi largement dépasser le milliard euro d'ici à 2008...
La vidéo surveillance et la commune :
1) Cadre juridique de la Vidéosurveillance dans les lieux publics - Par les autorités publiques
Les autorités publiques compétentes peuvent décider de visionner la voie publique afin d’assurer :
- la protection des bâtiments et installations publics et leurs abords,
- la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale,
- la régulation du trafic routier,
- la constatation des infractions aux règles de la circulation,
- la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol,
- la prévention d’actes de terrorisme.
L’installation d’un système de vidéosurveillance est subordonnée à une autorisation préalable du préfet du département du lieu d’implantation ou, à Paris, du préfet de police. Elle est donnée pour une durée de cinq ans renouvelable, après avis de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance (sauf en matière de défense nationale)
2) En réalité il existe deux types d’installations qui ont des objectifs différents :
- la vidéo-surveillance privée, résidentielle ou commerciale.. Par exemple l’installation de caméras pour l’exploitation d’un parking commercial. Cette installation est sous la responsabilité du propriétaire du parking ou du concessionnaire du domaine public. Il intègre le prix de cette installation dans le coût du ticket de parking......Ce sont les systèmes les plus répandus en France. Ces installations conserve une cohérence quant à la notion de garde d’installations privées ou de véhicules qui sont garés.
- la vidéo -surveillance publique. C’est la commune qui implante des caméras sur la voie publique. Cette opération représente un coût non négligeable: l’achat et la pose, la maintenance, la supervision des écrans ( nuit et jour).
3) Prix d’une video surveillance publique
Plusieurs exemples de prix, ceux-ci peuvent varier selon le contexte local :
- Cas d’Amiens: 42 caméras sont implantées et depuis 1995, le coût de la Vidéosurveillance s'élève à plus de 900 000€. Il faut compter 18 000€ pour chaque nouvelle caméra (hors le coût de l'installation). De plus il faut noter que ce service est géré par la police municipale ( nuit et jour)...
- Cas de Clichy : Mise en place des 26 caméras 1,5 millions d'Euros et il est prévu trois agents assermentés à temps plein mais pour un contrôle constant, c'est au moins le double qu'il faudra recruter.
- Cas de Levallois Perret : Ville pionnière grâce à son maire Patrick Balkany en matière de surveillance vidéo des rues et des espaces publics, 84 installées depuis 2000. Coût par an : 1 MF/an en 95, à 1,8 MF/an en 99 (cf compte-rendu du conseil municipal du 19.2.99).
- Cas de Puteaux: 190 caméras. Coût de cette installation : 3 millions d’euros, sans compter les frais annuels d’entretien et d’exploitation.
- Dans des communes plus petites, cas de Chateaurenard ( 14 000 habitants) : 41 caméras sont transmises aux locaux de la Police Municipale pour un coût de mise en place de deux tranches de 95000 euros chacune...Il faudra ajouter les frais de maintenance, non communiqués à ce jour l’installation datant d’octobre 2007 ...
Autres articles de Gilles Sainati publiés sur ce blog :
- 25 janvier 2008 L'impasse civilisationnelle par Gilles Sainati
- 21 novembre 2007 Un livre sur la dérive totalitaire : "La décadence sécuritaire"
(Photo Sarko source Les particules étranges - image "Non à Big Brother" source Verts-Clichy qui héberge sur son site le Collectif Citoyens contre la videosurveillance de Clichy )
A la suite un article trouvé sur le net sur le même sujet sur le blog PierreGuillery.com
La technologie ne sert à rien si on ne sait pas ce qu'on cherche...
A méditer par tous les politiques qui veulent gagner les élections en exagérant l'impact des technologies. Relativisons... Par Laurent Mucchielli, du CNRS, interviewé dans Libération :
« On ne peut pas dire que les techniques modernes sont inutiles. Quand on sait ce que l'on cherche, ça peut aider beaucoup. Mais si on ne sait pas ce que l'on cherche, on est automatiquement noyé dans des millions d'informations dont on ne sait que faire. La technique n'est qu'un soutien logistique à un travail de renseignement alors qu'elle est présentée aujourd'hui comme la solution miracle qui produit elle-même le renseignement.
C'est là qu'est l'erreur fondamentale, le mirage de «l'enchantement technologique». Imaginez un service de police qui recevrait chaque jour des dizaines de milliers de noms de voyageurs de tous les aéroports et les gares de France et un journal de connexion avec les millions de mails échangés dans les cybercafés, comment va-t-il pouvoir les traiter ? Il faudrait des centaines de policiers spécialisés qui, la plupart du temps, ne trouveraient absolument rien d'intéressant. Sans parler du risque d'atteintes à la vie privée.
De la même manière, si on met des caméras à tous les coins de centre-ville, il faudra embaucher des milliers de gens pour regarder les images collectées. Tous ces éléments techniques ne sont ni préventifs, ni dissuasifs lorsqu'ils sont dirigés vers l'espace public en général. Les techniques ne peuvent qu'appuyer les enquêtes pour trouver quelque chose après coup, si on dispose déjà de pistes. Si on ne sait pas ce que l'on cherche, la technique ne peut rien, elle est aveugle. C'est l'homme qui a des yeux et un cerveau, ce n'est pas la machine."
L'article de Mucchielli à télécharger ici.